Toi aussi tu as l’impression d’avoir vécu entre parenthèse. D’avoir fait un année pour rien ? Toi aussi tu va fêter ton anniversaire et tu te dis que c’est pas juste, que cette année elle ne compte pas vraiment et que tu voterais pour le premier ou la première parlementaire qui lance un projet de loi « retirons tous un an de notre carte d’identité » (valable pour toutes les personnes au-dessus de 30 ans).
Moi, grande optimiste (oui, grande, 1M59 c’est normal comme taille pour une fille, tais-toi c’est moi qui écrit, je dis ce que je veux). Donc, moi, grande optimiste, j’en attendais beaucoup du monde d’après comme on disait dans les émissions intelligentes sur La Première et, bon, j’ai encore été naïve. Et la grande (oui GRANDE) naïve que je suis a envie de te livrer son bilan personnel chiffré de mon vécu en un an. Parce que les chiffres c’est pragmatique, pratique et ça cache beaucoup de choses derrière une simple formule. Les chiffres, ça me représente bien en fait.
15 : c’est le nombre de rendez-vous que j’ai eu chez mon kiné. C’est plus que le nombre de rendez-vous que j’ai eu en un an aussi (pas pleurer Soso). Mon kiné, est sympa, jeune et fait du rugby. Franchement, il y a pire même si nos rendez-vous à 8h, je trouve que c’est un peu tôt. Je t’avoue que c’est la première fois de ma courte vie que j’allais chez le kiné. J’y allais confiante, remplie de la certitude qu’on allait me masser pendant 30 minutes et régler mon problème. ET BIEN NON. C’est quoi cette arnaque bordel ? Donc en fait le kiné il te fait venir, il te fait faire des exercices de sport ou tu souffres et transpire (avec un masque) et en plus il te dit que tu dois refaire les exercices chez toi, toute seule ? Ce n’est absolument pas comme ça que j’envisageais notre relation et ça me fait beaucoup de peine. COMME SI JE SOUFFRAIS DEJA PAS ASSEZ !
346 : le nombre de fois ou j’ai dit « Putain mon masque ». Encore hier, je suis sortie dans la rue et j’ai trouvé un truc comme bizarre, j’arrivais pas à savoir quoi et c’est en arrivant au Delhaize que j’ai compris… Ben oui Soso, ton nez à l’air libre là. Je sais pas combien de gens m’ont insultée dans leur tête quand ils sont passés à côté de moi du coup. D’un côté, ça me rassure, ça veut dire que je me suis toujours pas faite à l’idée de ne voir que vos yeux. En parlant de ça, j’exige une vaccination prioritaire des gens avec lunettes. Nous n’avons que trop subi. On vit dans un monde embué depuis des mois. Parfois dans notre vie, notre choix c’est ou bien je meurs parce que je chope le covid ou bien je meurs parce que je chope une voiture. C’est pas très gai comme choix je te jure. Après, le seul point positif du masque que j’ai trouvé, c’est que je peux tranquillement m’ambiancer sur Aya Nakamura dans le métro sans que personne ne le remarque
3 : le nombre de fois ou j’ai perdu mon badge : rapport au télétravail continu mais je trouve que c’est quand même un beau palmarès en sachant que j’ai été au bureau genre dix fois en un an.
2 : le nombre de fois qu’on ma volé mon portefeuille, idem que remarque précédente. Beau palmarès en sachant le nombre de mes sorties. D’ailleurs, j’en profite pour faire un message aux voleurs pour leur dire que sous mes apparences de grande bourgeoise stylée se cache une fille qui n’a jamais de cash et qu’il faut laisser tranquille parce qu’elle en a marre d’aller à la commune d’Auderghem refaire tous ses papiers. Merci. Bisous et embrassez le code pénal de ma part.
47 : le nombre d’épisodes de la séries Dawson que j’ai regardé. Oh, je vous interdit de me juger ! Chacun tient comme il peut et Dawson me rappelle les samedis aprem ensoleillés ou ma mère me disait de faire autre chose que de regarder la télé et ou, en tant que bonne adolescente qui se respecte, je levais les yeux au ciel avec dédain. Et puis, moi aussi je rêve qu’un jour on m’offre un mur. Enfin je sais pas trop peindre donc je saurais pas quoi en faire mais dans l’absolu si tu remplaces le mur par une plage je serais très heureuse. Je suis pas difficile comme meuf.
22H15 : l’heure d’aller dormir. C’est officiel, le confinement à fait de moi une vieille. D’ailleurs, je me dis sincèrement que les fêtes après confinement devront commencer à 18h parce que sinon je saurai pas tenir. Déjà qu’après un verre je danserai sur la table. Sur la table, après un verre, à 18h30, ça s’annonce très digne tout ça.
3498 : nombre de km parcourus entre mon bureau et mon lit. Chaque matin entre joie, bonheur et allégresse je me lève pour parcourir les quelques mètres qui me séparent de mon bureau et de ma première réunion Teams. Je vis ce qu’on appelle le rêve éveillé des télétravailleurs. Qui peuvent pas se plaindre parce que leur boulot n’est pas menacé mais qui ont juste des envies de meurtre quand même.
45 : le nombre de fois ou j’ai dit ferme ta gueule à quelqu’un à la télé parce qu’il apportait de mauvaises nouvelles et que je voulais rester dans le déni (ou mettre Koh Lanta) (parfois je dis aussi ferme ta gueule aux candidats de Koh Lanta).
2 : le nombre de braderies annulées. Si tu lis ceci et que tu as toujours vécu à Bruxelles tu ne peux pas comprendre. Tu ne peux pas savoir le bonheur que te procure une bonne vielle kermesse ou un souper dans une salle paroissiale de village avec un sol tout collant, des tarifs imprimés sur des feuilles blanches et collés avec un bout de papier collant sur un poteau ou une toile de tente. Un DJ qui fait des effets de voix avant de lancer les démons de minuit (qui ça, qui ça ?). Tu parles trop fort, tu manges mal, tu bois trop mais qu’est-ce que c’est gai. J’ai fait trois jobs dans ma vie, j’en ai commencé deux en août. Si bien que mes collègues n’ont pu entendre ma voix réelle que le mois suivant. Je suis certaine qu’ils pensaient que j’avais la même tessiture que Julie Taton (ou Garou). De toute façon, qu’on soit clair, la braderie est annulée mais moi, le premier week-end d’août je serai avec mon baffle en haut de la Grand rue et un verre en plastique (réutilisable) avec une bière plate dedans. PAS DE DISCUSSION POSSIBLE.
10 : nombre de fois ou j’ai supprimé et réinstallé Tinder. Je suis dans une phase suppression. Rien de plus déprimant qu’un date balade avec un masque dans un parc bruxellois. Ah si, peut-être … non, vraiment je trouve rien de plus déprimant.
1 : le nombre de fois ou j’ai installé l’application Visorando. Fun fact, j’ai supprimé Tinder et installé l’appli de randonnée le même jour. J’ai vraiment passé un cap dans ma vie d’adulte ce jour-là. J’ai retenu quelques larmes aussi surement, puis j’ai mis mes chaussures de randonnée et je me suis souvenue que j’avais + mis mes chaussures de randonnée en un an que toutes mes autres chaussures et là j’ai plus retenu mes larmes…La rando et les balades, c’est bien hein, j’aime bien hein MAIS BORDEL JE VEUX FAIRE AUTRE CHOSE. Encore un peu et je m’inscris avec Jacqueline dans son club de marche nordique. J’ai que 32 ans, j’ai l’impression d’être à l’aube de la retraite Jacqueline. Oui, Jacqueline, je sais que je suis agressive un peu, je vais prendre une tisane (parce que je me suis aussi mise aux tisanes putain..). C’est pas contre toi Jacqueline hein mais voilà quoi.
2 : le nombre de fois ou j’ai lavé mes vitres. Et je suis plutôt fière parce que normalement je le fais que quand je déménage pour l’état de lieux. D’ailleurs, j’en profite pour te dire que je cherche un appart dans les environs d’Auderghem, si tu as ça sous la main…
1 : dernier chiffre, 1… le nombre d’agression violente que j’ai subi dans le métro. J’ai déjà tout eu, les sifflements, les insultes, les remarques, les gestes déplacés. Mais cette fois-là, j’ai eu peur et je n’arrive pas à l’oublier. Je sais comment j’étais habillée, quel bouquin je faisais semblant de lire pour ne pas lui répondre. J’y repense quand je me déplace et je sens qu’une partie de mon insouciance et légèreté s’en est allée depuis. Je vous en veux monsieur. Très fort. D’ailleurs je ferai même pas de blague dans ce paragraphe, vous ne méritez pas mon humour.
Tu t’attendais surement à un autre bilan chiffré ou a tout ce que j’ai appris sur moi-même depuis un an. Un bilan rempli de grandes leçons de vie. Mais, en vrai, cette année je l’ai vraiment vécue comme sur pause. Une pause remplie de boulot-randos-dodo. Tu t’attendais à un bilan dans lequel je m’insurge des mesures à la con parfois prises par nos gouvernements (coucou la règle du siège unique dans le train pour la mer). Tu t’attendais à ce que je commente la situation au Bois de la Cambre aussi. Parce que si on m’avait dit l’an dernier que le haut lieu de la fête clandestine en Belgique serait un parc et qu’on y lâcherait la cavalerie pour disperser la foule, je t’avoue que j’aurais eu du mal à y croire. Tu t’attendais à ce que je remplisse mon texte de réflexions féministes. Mais en toute franchise, là je suis un peu fatiguée de tout ça (et désespérée). Alors je laisse la main et je trouve qu’en ce moment d’autres font cela tellement mieux que moi. Je préfère donc les relayer elles et faire ce que je fais de mieux et qui est pour moi l’essentiel…
Et puisque essentiel est un mot qu’on emploie beaucoup, violent aussi parce que l’essentiel de l’un n’est jamais l’essentiel de l’autre et qui sommes-nous pour en juger ? Pour moi l’essentiel, le rassurant, le réconfortant, ce qui sera toujours là, c’est de coucher ces quelques mots sur mon clavier et que vous esquissiez un petit sourire sur votre visage ou sous votre masque.
Tu viens de sourire là, je le sais. J’ai réussi.
PS: vaccinez-moi please. J’ai été gentille j’ai respecté (presque) toutes les règles.